- 15 sept. 2005 13:23
#138248
Eeeeh? What?s up doc ?
Je vais me lancer à mon tour. Vos petits historiques individuels m?ont bien amusé tout en permettant de mieux vous connaître. L?ami Steve avec sa série de « couples » à base de deux mâles, pas toujours de la même espèce, m?a bien fait marrer. Il fallait qu?il soit sérieusement accroché pour persévérer après ça. Très sympa, aussi, le micro-zoo payant de Benoît. J?aurais dû penser à rendre le mien payant, mais comme vous le verrez plus loin, ça n?aurait pas été facile pour des raisons de clandestinité. Le plus remarquable est Manu : le retour à la nature, ce n?était pas pour lui. Au passage, félicitations pour avoir réussi sa mue. Quant à moi, même si l?ami J-S veut avant tout nous orienter vers le futur, je vais moi aussi faire un petit saut dans le passé. J?essayerai de parler surtout des aspects originaux, mais malgré tout, je risque d?être prolixe, comme d?habitude.
Pour commencer, je vais faire tache, mais ma vraie passion, ce sont les oiseaux. Quand j?étais gosse, je me suis vu offrir des poussins (qui sont devenus de gros poulets qu?on m?a zigouillés), mais la vraie révélation, ce furent peu de temps après des pigeons d?ornement. J?ai rapidement transformé un appartement vacant appartenant à ma grand-mère en arche de Noé (à l?insu de tout le voisinage). Il y avait différentes pièces, avec un « peuplement » différent. L?une contenait les pigeons et les cailles, une autre les hamsters, une troisième les lapins, et la salle de bains était une volière de granivores. J?avais même recueilli un mâle de sarcelle d?hiver blessé par un chasseur.
Quand le pot-aux-roses fut découvert, ma grand-mère m?a subtilisé la clef. Elle l?aurait avalée si elle avait pu, il faut dire qu?elle me l?avait confiée au départ juste parce que j?avais recueilli un malheureux pigeon, qui s?est retrouvé le dominant de toute l?arche de Noé. Au passage, ce pigeon, un mâle, avait au début, lorsqu?il était seul, recueilli 4 poussins qu?on m?avait donnés, et il s?occupait d?eux comme une mère poule, ce qui est très étonnant compte tenu de la différence de comportement des petits poussins, qui sont nidifuges, avec les petits pigeons (nidicoles, autrement dit, qui restent au nid).
Donc, disais-je, les oiseaux m?ont toujours fasciné parce qu?ils volent, et parce que ce sont les animaux les plus évolués de la création ?surpassés seulement par quelques mammifères sur le plan des capacités mentales, et encore, surtout le premier d?entre eux. Pour les couleurs, la beauté et les comportements, les cichlidés peuvent se rhabiller. Très rapidement, les oiseaux m?ont amené à m?intéresser à l?évolution animale, et ce qui m?attire avant tout, chez les oiseaux comme les mammifères, reptiles, poissons, ou autres, c?est d?appréhender la richesse du vivant. De ce point de vue, les cichlidés sont un très bon condensé, en particulier pour des poissons.
Comment y suis-je venu ? Déjà, les poissons furent ma seule compensation après le démantèlement de l?opération « arche de Hulk » par Adèle, ma regrettée grand-mère. Et comme je n?avais pas les moyens de m?offrir un aquarium, j?ai subtilisé un présentoir publicitaire de comprimés effervescents à mon grand-père (qui était pharmacien). Le comprimé effervescent (aspro, ou quelque chose comme ça) était un diffuseur dans une sorte de bulle de quelques dizaines de litres, surnommée « aquabulle » par un de mes frangins. Sa première population fut de deux ou trois poissons, dont un très beau Thorichthys meeki, qui occupait une coquille flottante de triton (un gastropode marin de grande taille du genre Charonia). Evidemment, l?expérience n?est pas allée très loin, ma seule référence en la matière était une de mes tantes qui tenait des combattants dans de tout petits récipients non chauffés. Un beau jour, les pieds du présentoir ont flanché, déclenchant un mini raz-de-marée dans l?appartement parental.
Il a fallu ensuite attendre plusieurs années avant de pouvoir me payer un vrai bac, et au bout d?un an, je suis arrivé aux cichlidés par des « pelmatos » (Pelvicachromis pulcher), qui restent l?un des cichlidés les plus mignons qui soient pour moi. De fil en aiguille, ou plutôt de Tanganyika en Malawi, j?ai poursuivi en me liant d?amitié avec Philippe Amouriq, mais je suis resté autour de ces deux lacs d?une part parce que du point de vue évolutif, ce sont les plus intéressants (le Tanganyika, surtout), mais aussi pour des raisons de facilité. Je n?ai jamais, depuis des années, eu la possibilité de m?investir pour installer correctement autre chose, bien que les fluviatiles africains ou sud-américains m?aient toujours tenté. Tout est toujours remis au jour où je ne serai plus en appartement étriqué, mais ce jour s?éloigne toujours plus. Par contre, ce jour-là, ce qui risque d?arriver, c?est que les oiseaux reprennent la place qui leur est due.
En dehors de ces considérations de préférence, la fascination devant les comportements et la morphologie des animaux ne faiblit pas, même si, du côté des cichlidés, je suis un peu fatigué de tourner en rond autour des mêmes trucs depuis des lustres (et de réentendre toujours les mêmes choses de la part de gens qui ont la chance d?être en phase de découverte), j?aimerais bien faire autre chose, mais pour le moment, ça m?est difficile. D?autant que mon côté boulimique fait que j?ai d?autres violons d?Ingres qui me prennent beaucoup de temps.
Les cichlidés, qui drainent beaucoup de passionnés, ont l?avantage de permettre de rencontrer beaucoup de gens intéressants de tous horizons, dont certains sont de multi-passionnés, comme moi. Je suis loin de souhaiter ne croiser que des scientifiques dans les congrès. Bien qu?étant littéralement tombé dedans étant petit, je sais que le côté scientifique n?étouffera jamais chez moi la fascination du gosse, mais je suis ravi de croiser des personnes qui ont un vrai tempérament de naturaliste. C?est ainsi que j?ai pu côtoyer des touche-à-tout comme Jean-Pierre Hacard, Jean-Claude Nourissat, Jean Carlus, (qui avait pratiquement un zoo privé, autrefois), Jérôme Thierry pour ne citer que ceux-là, et bien d?autres, ou encore, au congrès dernier, j?ai eu du plaisir à discuter avec des gars comme Michaël Negrini, que les cichlidés m?ont permis de connaître mais qui est davantage entomophile. Mon plus grand plaisir serait de connaître des amateurs d?autres « disciplines » que je n?ai pas la possibilité d?explorer, qui aillent des Dendrobates aux ouistitis en passant par les papillons.
A ce sujet et pour finir, j?ouvre une parenthèse sur les réflexions de Fabien concernant la futilité de la maintenance en captivité de tous ces êtres vivants. Je comprends très bien qu?il préfère de loin l?observation sur place à la maintenance artificielle (autant comparer une nourriture fraîche à de la nourriture en conserve), mais il faut bien être conscient que vivre en pleine nature est de plus en plus un luxe. Les sanctuaires de la nature (dont la Guyane) se réduisent à vitesse effrayante, et le développement du tourisme « vert », qui est provisoirement un bon moyen de promouvoir l?importance de la biodiversité, est en réalité une abomination. Les vrais sanctuaires doivent n?être accessibles qu?au cercle restreint de ceux qui les entretiennent et les étudient (dont Fabien a la chance de faire partie), sans quoi, avec la prolifération métastasique de la population humaine, il n?y aura vite plus de sanctuaire du tout. Il n?y a qu?à voir chez nous, en France métropolitaine, comment ceux qui prônent « le retour aux valeurs de dame nature » aiment le faire au mieux sur des sentiers de randonnées bien balisés (qui pullulent parfois de bipèdes bien peu favorables à la tranquillité de leurs hôtes légitimes), au pire, avec un prolongateur de bite à cartouches, quand ce n?est pas avec un gros 4X4 mugissant et puant le gazole.
Donc, à terme, nous sommes tous en cage (ce qui me déprime au plus haut point, mais qui est bien en passe de se réaliser, vu le peu de personnes qui réalisent que la surpopulation humaine est la source de tous nos maux). Et notre seule façon de nous en évader, c?est encore de recréer diversement des coins de nature chez nous. Et quand, en plus, ça aide à la préservation d?espèces dont les sanctuaires sont depuis longtemps envahis de tronçonneuses, de bétonnières et de 4x4, quand ce n?est pas de rejets d?eaux usées, ça permet de se dire que ce n?est pas vain.