- 20 déc. 2006 14:38
#175690
Non, je n?ai pas donné de chiffre exact. Et je n?en donne pas, d?abord parce que je n?essaye pas de tenir des statistiques précises, d?autre part, parce que je ne fais jamais d?un cas particulier une généralité absolue, je ne garantis jamais que ce qui marche dans un bac marchera dans l?autre. C?est aussi valable pour l?agressivité intra et inter-spécifique que pour les risques d?hybridation entre espèces proches. Je donne des généralités en précisant s?il s?agit d?une expérience isolée ou répétée, ce qui donne une indication sur le degré de fiabilité de mon expérience. Sachant qu?il ne faut jamais perdre de vue que ce degré n?est jamais de 100 %, même en tenant des statistiques rigoureuses et très abondantes, ce qui n?est pas mon cas. Dans le cas des éretmodines, il s?agit d?une expérience répétée, mais je ne saurais donner un ordre de grandeur précis, sauf qu?il s?agit de nombreuses observations dans des cas de figure qui sont rarement identiques (bacs de vente, bacs spécifiques, bacs nus, bacs empierrés, etc.). En ce moment, je n?ai qu?un couple dans mon grand bac (en plus, ce sont des Eretmodus sp. « Nord », qui sont à mon avis parmi les moins agressifs). Et même avec un seul couple, c?est « je t?aime, moi non plus » d?un jour à l?autre, selon l?humeur du mâle. Mais la femelle n?est jamais blessée, tout juste un peu blackboulée.
Je suis obligé de pondre ce préambule (que je vais poursuivre) parce que j?ai beau m?entourer de toutes les précautions possibles, il se trouve toujours quelqu?un pour interpréter ce que j?écris comme une garantie. La seule garantie que je puisse donner pour ne pas avoir de mise à mort intraspécifique avec les espèces agressives telles que trophéines, cyprichromines, éretmodines ou lamprologines, c?est de ne garder qu?un seul individu par bac, point barre. Autrement, pour tous, la règle est à peu près la même : indépendamment du comportement naturel et de la spécialisation écologique des uns et des autres, la sûreté c?est soit un seul couple (sans garantie que le mâle ne tue pas sa femelle un jour où elle a laissé ses cheveux dans la soupe ou si elle a coupé le fromage en biais), soit plusieurs couples, introduits tous en même temps, suffisamment pour que les dominants se résignent à ne pas pouvoir tuer tout le monde d?un seul coup. Les chiffres de deux ou trois couples sont les plus critiques, puisqu?il y a antagonisme entre deux mâles d?un côté, et deux femelles de l?autre (plus les femelles qui encaissent l?énervement des mâles). Cela dit, je l?ai déjà fait, et même régulièrement, en étant prêt à intervenir rapidement (en général, tout se passe dans les deux premiers jours). Mes bacs sont peu empierrés pour cette raison, même avec des espèces pétricoles comme mbunas ou Tropheus, j?ai environ autant de surface libre que de surface couverte. Par ailleurs, je n?utilise pas de grosses pierres lourdes (trop de risques de casser un bac en la lâchant), ni de pierres à aspérités avec des mbunas ou Tropheus, trop de risques de poissons qui s?éborgnent au cours d?une rixe agitée (en particulier avec de la pouzzolane).
Ensuite, la densité d?individus par rapport à un bac dépend de l?espèce et de sa taille maximale. La dangerosité dépend de plusieurs facteurs. Le premier est l?agressivité intraspécifique naturelle. Avec des poissons à très faible densité de population naturelle, les risques sont très élevés. Les pires sont, dans l?ordre, les Lobochilotes, Petrochromis, Tropheus et petits Simochromis, mais aussi les julidos et certains lampros de type leleupi. Dans le même ordre d?idées, le Pseudotropheus demasoni et certaines espèces du groupe « aggressive ». Les éretmodines ne viennent qu?ensuite. La taille adulte joue évidemment, mais n?est pas directement liée. Ainsi, les Simochromis babaulti sont plus agressifs que les S. diagramma, malgré leur taille très nettement inférieure. L?autre facteur essentiel à prendre en considération, c?est les dégâts qu?occasionne une morsure. Certaines espèces pas si agressives que ça sont très dangereuses parce que la moindre morsure blesse ou écorche très sérieusement. Ainsi, Lobochilotes est un tueur absolu très dur à maintenir à plus d?un seul individu, alors que Ctenochromis horei (qui n?est pas un vrai Ctenochromis et qui est plus proche de Lobochilotes) est beaucoup plus « gérable », à cause de ses mâchoires plus faibles. Les éretmodines sont assez bien outillés en ce sens. Ce qu?ils peuvent râper des roches, ils le font sur la peau de leurs congénères. D?autres espèces sont obligées de se donner beaucoup de mal pour blesser un congénère, et donc se lassent avant que les dégâts soient sérieux. Tous ces facteurs doivent être pris en considération.
Bref, pour en revenir à mon cas particulier et répondre à ta question, mon dernier bac plurispécifique remonte à deux ans environ, il comportait, si je me rappelle bien, cinq espèces d?éretmodines, en général 4 ou 5 individus par espèce (pour un peu plus de 300 litres). Ce n?est pas le bon chiffre, comme je l?écris plus haut. Mieux vaut un seul couple ou carrément un groupe dense (6 individus sont encore « limite », surtout si le bac est grand). Mais le groupe plurispécifique atténue la difficulté que cause une faible densité de population, et c'est là que nous rejoignons la question de Rudy. Pour le reste, à propos de cette densité, c?est toujours l?éternel débat entre les populations très denses sans décor, idéales pour une agressivité minimale ou la reproduction mais peu plaisantes pour les yeux, où les groupes naturels à population modérée. Mais même dans le groupe le plus naturel qui soit, s?il y a reproduction, un jour ou l?autre, et si les jeunes sont laissés avec les parents, il y a élimination des individus surnuméraires. Soit les plus jeunes se font dégager par le dominant, soit ce sont eux qui expédient ad patres les vieux. C?est la même chose qu?en milieu naturel.
Enfin, les reproductions. Dans ce bac-ci, je n?en ai pas eu, ou alors, elles sont restées sans lendemain. Mais les couples paradaient régulièrement, même si ce n?est pas toujours le beau fixe entre partenaires. J?avais eu des pontes dans mes bacs bien avant (j?ai maintenu ces espèces pour la première fois en 1979). En général, mieux vaut ajouter des sels Tanganyika pour en obtenir et pour les voir mener à terme, ce qui n?était pas le cas de mon précédent bac (depuis, j?ai de nouveau eu des pontes avec sels Tanganyika, mais je ne m?en occupe pas). Et je m?empresse d?ajouter que les éretmodines sont assez difficiles à tenir à long terme : très sensibles des intestins et d?espérance de vie relativement faible. Les jeunes, surtout, sont difficiles à élever, notamment un cap vers la troisième semaine qu?ils ne franchissent souvent pas.
Voilà tout pour résumer. Mais encore une fois, je ne garantis rien, chaque bac est un cas particulier, c?est valable pour toutes sortes de cichlidés, on ne peut que donner des grandes lignes. De même, sur un autre plan qui comporte des risques mais sur lequel je m?avance souvent avec un risque raisonnable, celui de l?hybridation : avec les éretmodines, j?ai vu d?innombrables fois des mélanges d?espèces dans des bacs (que ce soit chez des particuliers ou des bacs de vente), et je n?ai jamais observé d?appariement entre deux espèces différentes, mais avec les cichlidés, il ne faut jurer de rien, rien n?est impossible, cela dit, jusqu?à preuve du contraire, la probabilité est très faible. Pour tout ce qui sort des généralités, le jugement de l?aquariophile lui-même devant son bac à lui est essentiel pour stopper une mise à mort ou une hybridation. C'est pourquoi certaines espèces ne sont recommandées qu?à des cichlidophiles expérimentés, mais même ces derniers ne sont jamais à l?abri d?une mise à mort subite sans signes avant-coureurs, d?une hybridation saugrenue, d?un filtre un peu négligé qui favorise l?émergence de toutes sortes de maladies, etc, etc.