xavier.longy a écrit :un mec connu, dont j'ai oublié le nom a dit "tout ce qui est simple est faux et tout ce qui est compliqué est inutilisable"....
donc m'buna, comme poisson ou ver est un terme aux contours flous (pas une entité scientifique claire) mais....bien pratique!
Bien vu, la citation... J'ajouterais même: tout ce qui est compliqué est inutilisable et n'est pas nécessairement exact.
Les taxons de la nomenclature linnéenne ne sont pas exacts, c'est un fait. Mais sauf à trouver des formules statistiques pour les remplacer, il n'y a pas plus pratique. Mbunas n'en est pas un officiellement, mais il ne serait pas plus faux qu'un autre.
Si le terme de mbunas fait effectivement allusion à l’habitude de la plupart de ses membres de « frapper » les pierres, il est consacré par l’usage depuis au moins les années 60 et Fryer (sans doute avant) pour tout l’ensemble que nous connaissons sous ce nom. Malgré ce qu’en disent quelques études moléculaires récentes, rien ne contredit le fait admis depuis longtemps que cet ensemble est naturel, issu d’un ancêtre unique donc monophylétique. C’est même sans doute un clade strict, c’est-à-dire qu’il contient tous ses descendants (mais ceci n’est pas très important, sauf pour les acharnés d’une utilisation dogmatique du cladisme). De mémoire, la principale différence avec les non-mbunas du lac vient de la présence de rangées d’écailles sur la joue.
Jusqu’à preuve solidement étayée du contraire, les phylogénies moléculaires qui mettent les Aulonocara au milieu des mbunas ou certains mbunas au milieu des "haplos" au mieux reflètent des introgressions passées comme il y en a constamment dans l’évolution du vivant (s’il fallait se fier à ces introgressions, aucun taxon ne serait plus défini), au pire des erreurs méthodologiques –mais je ne m’étendrai pas là-dessus, ce n’est pas mon domaine. Et non, les Aulonocara ne sont pas des mbunas. Leurs plus proches cousins sont les différents genres de Lethrinops, Tramitichromis, etc. et de fil en aiguille beaucoup d’autres. Peut-être que certains groupes d’espèces pétricoles –par exemple, les super-espèces A. baenschi et A. jacobfreibergi- ont une introgression de gènes de mbunas dans leur genèse, mais compte tenu des autres différences (majeures), pour moi, c’est très insuffisant pour dire qu’il font partie des mbunas.
A titre informatif : le fait que les mbunas ne soient pas tous littéralement des "frappeurs de pierres" n’empêche pas l’usage du nom. Par exemple, beaucoup de reptiles marchent dressés sur leurs pattes et non en rampant, comme le voudrait l’étymologie de leur nom –parler de reptiles volants à propos des ptérosaures est d’ailleurs un bel oxymore. Parmi les mammifères, les ongulés n’ont pas tous des sabots, les insectivores (en parlant de l’ordre) ne sont pas tous insectivores, et beaucoup de carnivores sont omnivores, parfois purement végétariens (comme le grand panda). Autre information d’importance : les mbunas à dents coniques classés dans Cynotilapia/Microchromis sont des mangeurs d’aufwuchs occasionnels. Essayez de lâcher un zebroides dans un bac plein d’algues, vous verrez son comportement.
Pour ceux que ça intéresse également, je rappelle que j’ai proposé en 2001 (dans un article du premier An-Cichlidé à propos de l’évolution des cichlidés que je recommande à ceux que ça intéresse) des noms de sous-tribus en bonne et due forme pour désigner les mbunas d’une part (Pseudotropheina) et les "haplos" du Malawi d’autre part (Cyrtocarina), toutes deux incluses dans les Haplochromini. Je pense –sans forte certitude- que chacune correspond à un peuplement indépendant du lac, mais que des introgressions entre les deux groupes donnent des résultats brouillés dans les analyses bio-moléculaires. Dans cette optique, les Pseudotropheina (donc les mbunas) sont plus évolués que les Cyrtocarina et sont pour moi, en effet, plus proches d’haplos "vrais" tels que Haplochromis ou Astatotilapia.
PS : Le mot "introgression" désigne une hybridation lorsqu’elle est occasionnelle, autrement dit, lorsque les gènes du parent étranger sont dilués au milieu des autres dans une population. L’introgression influence l’évolution de l’espèce "introgressée" à des degrés divers selon son importance ; à l’autre bout de la chaîne, il y a des espèces entièrement hybrides, dont les descendants ont un génome moitié-moitié, ce qui est plus rare, puisqu’il s’agit d’un cas extrême. Selon les circonstances, une introgression ou une hybridation à 100 % peut soit modifier l’espèce, soit donner naissance à une nouvelle espèce –qui peut parfois coexister avec l’une ou l’autre des espèces-mères- lorsque la population qui en résulte se stabilise.